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Sommet pour un nouveau pacte financier mondial : quels enjeux pour le droit ? (Article Actu-juridique.fr)

Les 22 et 23 juin 2023, Paris accueillait le « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial », rendez-vous appelé de ses vœux par le président Emmanuel Macron en novembre 2022 lors du sommet du G20, peu de temps après une COP27 au bilan mitigé.

Coorganisé avec l’Inde qui occupe cette année la présidence du G20, l’idée du sommet s’est inscrite dans la lignée de l’initiative Bridgetown, une initiative de financement de l’action pour le climat, portée depuis la COP26 par la charismatique Première ministre de la Barbade, Mia Mottley.

Sur le papier, le rendez-vous des chefs d’État et de gouvernement s’est ainsi fixé un double objectif : renforcer le financement de l’aide au développement et de la transition climatique pour les États dits « du Sud » en première ligne du changement climatique et réformer les institutions financières issues des accords de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international).

Sur le plan du droit, le sommet, qui tente de faire converger plusieurs agendas diplomatiques dans un contexte de crises en cascade, confirme tout l’intérêt de l’existence d’un droit international uniquement consacré aux enjeux du développement, et appelle l’urgence à lui dédier des instruments juridiquement contraignants.

Partout dans le monde, le développement humain recule

Fin juin 2023, le sommet a ainsi réuni une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement, plus d’une centaine d’organisations non gouvernementales (ONG), des dizaines de représentants d’organisations internationales et membres du secteur privé, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, António Guterres, et la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen.

Sur le papier, l’objectif des tables rondes organisées et des discussions des chefs d’État et de gouvernement1 a été de formuler des solutions et des pistes de travail pour parvenir à « bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud »2.

Et pour cause, la succession de crises récentes (Covid-19, conflit russo-ukrainien…) a réduit encore davantage la manœuvre budgétaire des pays à revenu faible et intermédiaire, pourtant confrontés, plus que jamais, à l’urgence de financer une transition écologique et durable.

Pour la plupart d’entre eux, le poids de la dette et de la charge de la dette, qui souffre de l’augmentation des taux d’intérêt dans le monde, est désormais insupportable.

L’ONG OXFAM estime qu’au moins 27 400 milliards de dollars supplémentaires seront nécessaires d’ici 2030 pour combler les déficits de financement de ces pays dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la protection sociale et de la lutte contre le changement climatique3.

Quant à lui, le programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dans son dernier « Rapport sur le Développement Humain 2022 »4, tire un constat clair et accablant : les multiples crises mondiales de ces deux dernières années ont entraîné avec elles des conséquences alarmantes sur le développement. Pour la première fois, la valeur de l’indice mondial de développement humain (« IDH »), a baissé sur deux années consécutives, le développement humain reculant ainsi dans neuf pays sur dix à travers la planète.

Devant de telles réalités, la communauté internationale doit réagir et le sommet pour un nouveau pacte financier mondial a identifié les grands axes de collaboration nécessaires : redonner de l’espace budgétaire aux pays les plus endettés, mobiliser des financements innovants pour les pays vulnérables au changement climatique, encourager l’investissement dans les infrastructures « vertes » des pays émergents et en développement, favoriser le développement du secteur privé dans les pays à faible revenu et, enfin, réformer les institutions multilatérales afin de les adapter aux nouveaux défis et réalités économiques et diplomatiques.

Des solutions de « petits pas »

Alors, face à l’immensité de la tâche, le sommet pour un nouveau pacte financier mondial aura accouché de quelques solutions de « petits pas ».

Parmi les points en discussion sur la question du financement – et défendus par les acteurs de la société civile présents –, la possibilité d’une taxe internationale sur les billets d’avion ou les transports maritimes n’a pas abouti. Néanmoins, le sommet devrait au moins avoir permis d’inscrire ce sujet à l’agenda des futurs rendez-vous diplomatiques (et notamment du G20).

Quant à lui, le Fonds monétaire international (FMI) a également appelé les pays riches à réaffecter 40 % de leurs droits de tirage spéciaux (réserves de liquidités internationales) vers les pays les plus pauvres.

Sur la question du poids de la dette, la Banque mondiale a quant à elle annoncé la création d’une « boîte à outils élargie pour la préparation et la réaction aux crises », qui devrait comprendre la suspension totale des remboursements de la dette d’un État pendant au moins deux ans lorsque ce dernier est frappé par une crise climatique. L’institution financière, dont la lenteur et la lourdeur sont souvent pointées du doigt, devrait également déployer un nouveau mécanisme de réponse rapide pour réorienter les facilités de prêts en cas de crise climatique.

Cependant, aucune de ces solutions n’aura été entérinée par le biais d’un accord contraignant, ne laissant que peu d’espoirs – au regard des difficultés déjà rencontrées pour parachever les engagements de l’Accord de Paris sur le climat – sur leur exécution.

En somme, pas de bouleversements, et encore moins de réforme radicale du système financier international : question programmée, mais quasi éludée.

Laisser sa place au droit du développement

Si l’on met de côté ses résultats concrets pour s’intéresser à l’idéologie qu’il véhicule, le rendez-vous de Paris s’inscrit pleinement dans la lignée des efforts déployés par la communauté internationale depuis quelques dizaines d’années pour parvenir à ce qui pourrait être désormais désigné comme l’« objectif majeur de l’humanité »5 : le développement.

Constitué avec le temps comme une fin en soi vers laquelle tout État, individu, peuple doit se diriger, le développement s’entend aujourd’hui comme une valeur duale comprenant à la fois un phénomène préalable de croissance économique, d’ordre quantitatif donc, et un vecteur de qualité incluant une hausse du bien-être social, des changements dans les structures et la société passant par l’éducation, la santé, la culture et la résilience climatique6.

Matière désormais consacrée, le droit international du développement entend faire saisir cet objectif suprême par le droit international sur deux niveaux : à la fois dans le but d’établir un cadre de consultation et de coopération pour de nouvelles négociations autour de ses enjeux et, en même temps, constituer un outil permettant d’inscrire, de transposer, les décisions prises à l’occasion de ces réunions, leur offrant un cadre d’exécution, voire un mécanisme de sanction.

Au fil du temps et de la doctrine, le droit du développement a d’ailleurs été reconnu comme une prérogative de l’État émergent.

Il tire les conséquences de ce que le droit économique, issu de la victoire néolibérale, a engendré comme règles préjudiciables aux intérêts de la plupart des pays pauvres et en voie de développement, ayant une « forte incidence sur les possibilités d’action et la performance économique »7 de ces pays.

Pour y remédier, le droit international du développement porte deux principales revendications :

  • l’action pour une participation plus large et plus démocratique des pays à l’élaboration des politiques qui les affectent ;

  • la création de règles économiques adaptées aux inégalités réelles de fait de chaque État.

C’est à cela, précisément, que font référence les objectifs du sommet pour un nouveau pacte financier mondial.

Et pour cause, les pays à revenu faible et intermédiaire représentent plus de 80 % de la population mondiale et contribuent pour près de 50 % de la production mondiale.

Pourtant, leur influence dans les institutions multilatérales qui gouvernent l’économie mondiale est, au mieux, limitée, au pire, marginale. Le problème s’étend par ailleurs à l’exclusion de leur représentation dans des mécanismes tels que le G7, le G20 et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui prennent des décisions d’une importance capitale pour la gouvernance mondiale8.

L’architecture institutionnelle économique souffre d’un véritable déficit démocratique qui se matérialise dans le processus inégalitaire de décision.

Il est vrai, le constat vaut principalement pour les institutions de Bretton Woods – FMI et groupe de la Banque mondiale – au sein desquelles « la corrélation entre inégalité matérielle et inégalité juridique est encore plus évidente »9.

En effet, le mode de décision y est principalement basé sur une répartition des droits de vote « en fonction du montant de la cotisation des États membres, traduction du principe “1 dollar, 1 voix” »10, réduisant significativement le nombre de voix affectées aux États les plus pauvres. Au FMI, par exemple, le nombre de voix attribuées à un État est fonction du nombre de quotes-parts attribuées, elles-mêmes fonction de sa position relative dans l’économie mondiale : la quote-part se calcule en opérant la moyenne pondérée du produit intérieur brut, du degré d’ouverture de l’économie, des variations économiques et des réserves officielles de change.

Au sein de la Banque mondiale, quelques ajustements ont été lancés depuis 2010. Cette même année, les pays actionnaires du groupe ont donné leur aval à une augmentation de 3,13 points de pourcentage du pouvoir de vote des pays en développement, ainsi qu’à l’obligation de procéder tous les cinq ans à un examen de la répartition du capital de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement dans le but d’améliorer la répartition des droits de vote entre pays développés et pays en développement.

Néanmoins, le système maintient une part du nombre de droits de vote proportionnelle à la quote-part de chaque État, où les pays financièrement contributeurs ont donc un poids plus important pour la prise de décisions que les pays bénéficiaires des aides.

La composition du conseil des administrateurs entretient également une réelle disparité. L’organe est composé du président du groupe de la Banque mondiale et de 25 administrateurs, dont 5 d’entre eux sont désignés par les 5 plus grands actionnaires (les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni) ; la Chine, la Fédération de Russie et l’Arabie saoudite désignent également chacune leur propre administrateur.

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